Histoire :
Le
Printemps Amazigh
Chronologie
des événements
1-2 mars
1980 : Interview de Mouloud Mammeri au journal "Libération"
à propos de son dernier livre édité chez Maspero "Les poèmes kabyles
anciens".
10 mars
1980 : Une conférence de Mouloud Mammeri à l'université de
Tizi-Ouzou sur la poésie berbère ancienne est interdite par les autorités.
11 mars
1980 : 1500 étudiants sur les 1700 que compte l'université de
Tizi-Ouzou manifestent pendant plus de deux heures devant la wilaya, le siège
du parti unique, aux cris de "halte à la répression culturelle",
"Culture berbère, culture algérienne", "Le berbère est notre
langue", "Nous en avons assez de l'injustice". Ils dénoncent
durement toute tentative de récupération politique de leur mouvement. Grève
de l'université.
02 mars
1980 : Les lycéens de Tizi-Ouzou se mettent en grève pour manifester
leur solidarité avec les étudiants.
13 mars 1980 :
Apparition d'inscriptions du FFS dans la Kabylie et l'Algérois pour manifester
leur solidarité avec les étudiants. "Démocratie, liberté d'expression,
langues populaires = langues nationales". Le mouvement s'étend. A Larbâa
Nat Yiraten, les enseignes en arabe sont arrachées.
Le commissaire de police bloqué dans sa voiture par les manifestants,
doit crier leur slogan: "A nerrez wal' a neknu" (plutôt rompre que
plier), vers du poète Si Mohand. La caserne est envahie et les jeunes du
contingent fraternisent. Le maire arrive. On lui demande des cars pour
réveiller les douars de l'intérieur. Il s'excuse de ne pas en avoir sous la
main. Le président Chadli qui devait faire une inauguration à Tizi-Ouzou, le
15 mars annule son voyage. Le wali de Tizi-Ouzou, Sidi Saïd, convoque les chefs
d'établissements du département. Lors de cette réunion, le directeur de
l'institut islamique fait l'apologie du wali précèdent, le traître Kharroubi,
qui "pour être Kabyle n'en était pas moins patriote" "pour moi,
ajoute le religieux, il faudrait tirer sur la foule".
15 mars
1980 : Constitution d'un comité de défense des droits culturels en
Algérie (CDDCA) , domicilié à la revue Esprit 19 rue Jacob, Paris,
75006.
16 mars
1980 : A Alger, 200 étudiants défilent rue Larbi Ben M'hidi pour la
culture berbère et la "langue berbère, langue nationale". Ils sont
violemment dispersés aux abords de la Grande Poste. Une quarantaine
d'arrestations sont opérées, dont 5 ont été maintenues.
18 mars
1980 : Visite du wali à Azazga. La population exprime son
mécontentement d'une manière violente et le wali a dû s'enfuir. Les écoliers
et les lycéens envahissent la rue et s'attaquent à la gendarmerie. Le siège
du FLN est saccagé. A Aïn El Hammam (ex-Michelet) les ouvriers manifestent
dans la rue leur soutien au mouvement des étudiants et des lycéens. A Drâa El
Mizan, les lycéens manifestent. La police fait 70 arrestations. Cent vingt
lycéens sont arrêtés après une manifestation dans une autre localité. Des
troupes supplémentaires sont amenées dans toutes les casernes des Kabylie.
20 mars
1980 : Pour la première fois la presse algérienne parle en termes sibyllins
des manifestations de Tizi-Ouzou dans un article d'El Moudjahid,
intitulé "les donneurs de leçons" signé K. B.
20-26 mars 1980 : Les pétitions de protestation
affluent chez les autorités.
26 mars
1980 : Nouvelle manifestation à Tizi-Ouzou des près d'un millier
d'étudiants. La police n'intervient pas.
30 mars
1980 : Récital d'Aït-Menguellet à la porte de Pantin. Le comité de
défense des droits culturels appelle à un rassemblement silencieux devant l'ambassade
d'Algérie en France.
06 avril
1980 : Assemblée générale des étudiants à Ihesnawen (Tizi-Ouzou)
décidant l'occupation de la salle de reprographie de l'université et appelle
à une manifestation pour le 7 avril à Alger.
07 avril
1980 : 10 h du matin. Alger, place du 1er Mai, cinq cents manifestants
dont des étudiants et des enseignants se regroupent en milieu de matinée pour
réclamer le droit à l'existence pour la culture berbère. Leurs banderoles
sont "culture populaire", "liberté d'expression", "le
berbère n'est-il pas une langue algérienne?", "démocratie
culturelle". La police intervient dès le départ du cortège qui entonne
alors le chant des maquisards "Min djibalina" (de nos montagnes s'est
élevée la voix de la liberté). La police réprime sauvagement les
manifestants. Près de 200 sont embarqués dans les fourgons à coups de
matraque. Parmi les manifestants, on dénombre plusieurs blessés et cinq
personnes sont dans le coma. Un manifestant est mort sous les coups de matraque.
Une grève est votée à l'université d'Alger. L'université de Tizi-Ouzou est
en grève et occupée par les étudiants.
11 h 30. Meeting à la faculté
centrale d'Alger pour décider d'autres marches sur le commissariat central pour
protester contre la répression.
3:00 PM. Rassemblement silencieux
devant l'ambassade d'Algérie en France à l'appui du CDDA regroupant un millier
de personnes. Une motion devait être remise à l'ambassade. L'ambassadeur a
refusé de recevoir la délégation les traitant de non Algériens. Une lettre
ouverte au président Chadli a été lancée pour recueillir des signatures.
Soir. Assemblée générale des
étudiants décidant une grève générale illimitée avec occupation des locaux
de l'université.
08 avril
1980 : A Alger, plus d'un millier d'étudiants manifestent aux cris de
"A bas la répression", "police assassin", "libérez
les détenus", "culture populaire algérienne". Ils entonnent
aussi des chants patriotiques. Ils sont énergiquement refoulés par la police
dans l'enceinte universitaire. La manifestation se prolonge pendant plus de deux
heures. La plupart des interpellés sont libérés.
En Kabylie, plusieurs milliers de
paysans de Aïn El Hammam et Larbâa Nat Yiraten marchent sur Tizi-Ouzou.
L'armée bloque les routes et leur fait rebrousser chemin. La plupart des
interpellés de la veille ont étés libérés. Les étudiants de Boumerdès se
mettent en grève. Motion de soutien des étudiants et travailleurs de la Fac
centrale aux étudiants de Tizi-Ouzou. Mise en place d'un bureau de coordination
pour Alger.
09 avril
1980 : Le mouvement s'étend en Kabylie. Les manifestations de jeunes
revendiquant le droit à l'existence pour la culture berbère se multiplient aux
Ouadhias, Aït-Yanni, Djemâa-Saaridj, Dellys, Bordj Menaïel, Sidi Aïch, etc.
A Sidi Aïch, 9 avril, un concert donné par le chanteur Ferhat (groupe
Imazighen Imula) est interdit. Le chanteur est interpellé par la police.
10 avril 1980 : Contre-manifestation organisée par
le parti FLN à Tizi-Ouzou.
9-15 avril
1980 : Constitution de comités de vigilance et de soutien aux
étudiants en grève dans tous les villages de Kabylie.
11 avril
1980 : Réponse de Mouloud Mammeri à El Moudjahid à propos des
"donneurs de leçons" refusée par ce même journal, reprise par le
journal Le Matin. Ronéotypé et distribué par les étudiants à la
population en Algérie et en France.
13 avril
1980 : Une délégation d'enseignants de Tizi-Ouzou a été reçue par
le ministre de l'enseignement supérieur. Les élèves du lycée Amirouche de
Tizi-Ouzou se mettent en grève et occupent l'établissement. Les travailleurs
de l'hôpital envoient une motion de soutien aux étudiants grévistes et une
lettre au président Chadli demandant l'arrêt de la répression. Un tract
attribué au FFS appelle à une grève générale pour le 16 avril.
15 avril
1980 : Le CDDCA à Paris appelle à une marche pacifique pour le 26
avril devant l'ambassade d'Algérie et le 1er mai à la rue des filles du
clavaire à la Bastille. Occupation de l'hôpital de Tizi-Ouzou.
16 avril
1980 : Grève générale totale en Kabylie. Le chanteur Ferhat du
groupe Imazighen Imula est enlevé à Dar El Beida à 14 h 30. Le ministère de
l'Enseignement supérieur lance un ultimatum aux étudiants de Tizi-Ouzou pour
reprendre les cours le 19 avril. Le soir, réunion conjointe entre travailleurs
de la Sonelec, Sonelgaz, hôpital, étudiants, enseignants, lycéens, Sonitex,
et Casoral condamnant la répression et mettant sur pied un comité populaire de
coordination.
18 avril
1980 : Rassemblement devant l'ambassade d'Algérie à Ottawa et marche
symbolique devant le parlement canadien.
20
avril 1980 : 1 h du matin. L'opération Mizrana est déclenchée.
Les forces de répression envahissent tous les lieux occupés (université,
hôpital, usines). Les étudiants surpris dans leur sommeil sont assommées dans
leur lit. Les chiens sont lâchés sur les fuyards. Des étudiants sautent des
étages de la cité universitaire en slip. Des professeurs sont arrêtées à
leur domicile. Tout le personnel de l'hôpital, médecins et infirmiers, est
arrêté et remplacé par des médecins militaires. Des rumeurs font état de 32
morts et plusieurs centaines de blessés. Une grève générale spontanée a
été déclenchée par la population de Tizi-Ouzou, plus aucune enseigne en
arabe ne subsiste, ni plaque de rues.
La Kabylie était coupée du
monde. Interdiction d'accès à tout le monde et aux journalistes en
particulier.
21 avril
1980 : Condamnation des 21 d'El-Kseur. Des barricades commencent à
s'édifier dans la haute ville et à la gare. Les forces de répression
circulent baïonnette au canon. Les nouvelles galeries sont pillées (par
provocation?). Le centre artisanal saccagé, ainsi que la gare routière et la
villa de Kharroubi. La population des villages environnants marche sur la ville
pour protester contre la répression et les morts.
22 avril
1980 : Trois journées de grève générale. Des barricades continuent
à s'édifier dans la haute ville. Des manifestants parcourent la ville avec des
banderoles pour la libération des détenus et l'arrêt de la répression,
d'autres proclamant "Imazighen" sont déployées. Les CNS chargent les
manifestants dans le dos. De durs combats ont lieu partout dans la ville. Les
montagnards redescendent dans la ville et dressent des barricades. Pillage du
bureau de l'APS, la SAA, la maison de l'artisanat, le siège du parti, l'hôtel
le Balloua, le cinéma Mondial. Grève de solidarité déclenchée à l'hôpital
Mustapha (Alger) par le personnel soignant.
23 avril
1980 : 4 ème journée de la grève générale. Des
arrestations massives ont lieu partout. Des manifestants venant de
Tigzirt-sur-mer affrontent les forces de répression à l'entrée de la ville.
De violents affrontements ont lieu également à Draâ Ben Khedda.
24 avril
1980 : Retour au "calme" progressif, les magasins
d'alimentation rouvrent dans l'après-midi. Des affrontements très violents ont
lieu entre manifestants (des Ouadhias, de Larbaâ et de Aîn El Hamam) et les
forces de répression. Les nouvelles galeries croulent sous l'abondance des
marchandises.
25 avril
1980 : La ville est quadrillée par les forces de répression. La RTA
filme les endroits saccagés. 17 h, l'ambassadeur d'Algérie est reçu au quai
d'Orsay. 17 h 50 le préfet de police signifie au comité de défense des droits
culturels en Algérie, l'interdiction de la marche prévue pour le lendemain.
26 avril
1980 : Malgré l'interdiction de la manifestation par le préfet, et
pour le "risque de troubles de l'ordre public" le contre-ordre est
lancé par le CDDCA par voie de presse et audiovisuelle, près de 500 personnes
sont venues. 400 personnes ont été interpellées par la police et conduites à
Vincennes où elle furent fouillées, photographiées et fichées. L'Amicale des
Algériens avait "délégué" 200 provocateurs emmenés à Paris par
cars et payés à la journée.
29 avril
1980 : Le préfet de Paris interdit la manifestation silencieuse du
CDDCA prévue pour le 1er mai pour "risque de trouble de l'ordre public.
10 mai
1980 : Gala de Matoub Lounès à l'Olympia. Une minute de silence fut
observée en signe de solidarité avec le mouvement populaire en Algérie.
12 mai 1980 : Grève à la Fac d'Alger.
06 mai
1980 : Une liste de 24 détenus est publiée par El Moudjahid et
annonce leur traduction devant la cour de sûreté de l'Etat siégeant à
Médéa.
18 mai
1980 : Grève générale à Tizi-Ouzou suivie massivement par la
population à l'exception des Nouvelles Galeries Algériennes.
19 mai 1980 : Manifestation de protestation contre
la répression à Alger.
24 mai 1980 : Assemblée générale à la Fac
centrale d'Alger agressée par les agents du pouvoir.
25 mai 1980 : Le CDDCA publie la "lettre
ouverte à Chadli" qui a recueilli 3522 signatures.
03 juin
1980 : Publication de la pétition du Comité international de soutien
aux victimes de la répression en Algérie. Mise sur pied par le CDDCA et qui a recueilli
140 signatures de personnalités universitaires et artistiques.
21 juin
1980 : 14 h. Meeting de soutien aux détenus en Algérie, tenu à la
Bourse du travail à Paris organisé par le CDDCA et le comité international
contre la répression sur les mots d'ordre suivants :
- Halte
à la répression.
-
Libération inconditionnelle et immédiate de tous les détenus.
-
Langues populaires (arabe algérien et berbère) comme langues nationales.
Ont été invités à participer au
meeting toutesl les organisations et personnalités algériennes et françaises.
Ont participé celles qui ont souscrit à ces principes.
-
Le CDDCA, l'ASEP, UNEF, LCR, FEN, FO, OCI, FFS, ligues internationales des
droits de l'homme. Quant à Djamel Allam et le groupe Djurdura ils ont refusé
de répondre à l'appel du CDDCA, Ferhat et Aït Menguelet ont été retenus en
Algérie.
25 juin 1980 : Journée de soutien aux détenus organisée à
Tizi-Ouzou.
20 h. L'APS annonce la mise en liberté provisoire
des 24 détenus de Berrouaghia pour le lendemain.
26 juin 1980 : Une
délégation avec plusieurs voitures part de Tizi-Ouzou pour chercher les
détenus qui sont accueillis par Tizi-Ouzou en fête.
réalisée par la Revue Tafsut
Jusqu’à
nos jours Le cauchemar continu, la
Kabylie en particulier est matée jusqu’aux os, parce qu‘elle fait face et
résiste à ces ogres de la démocratie et de libertés.

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